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pension alimentaire versée aux enfants, fixation de la prestation compensatoire

Le 30 septembre 2022
pension alimentaire versée aux enfants, fixation de la prestation compensatoire
La pension alimentaire ou contribution versée aux enfants doit-elle être prise en compte dans les charges de l'époux pour fixer le montant de la prestation compensatoire qu'il doit à l'autre époux au moment du divorce

Cass. Civ. 1e, 13 juillet 2022, pourvois n°21-12.354 et n°21-12.460

 

La fixation de la prestation compensatoire, somme versée d’un époux à l’autre pour limiter les disparités entre leurs situations respectives créées par le divorce, doit tenir compte de nombreux éléments, dont l’interprétation ne cesse d’évoluer.

Par deux arrêts rendus le 13 juillet 2022, la 1e Chambre civile de la Cour de cassation a été amenée à se prononcer sur la prise en compte de charges extérieures, relatives notamment à l’alimentation des enfants, dans la fixation du montant de la prestation compensatoire.

En l’espèce dans le premier arrêt, un divorce a été prononcé le 25 septembre 2019, qui a ensuite eu deux enfants d’une seconde union. La Cour d’appel de Reims a rendu un arrêt le 10 décembre 2020, fixant le montant de la prestation compensatoire de l’époux à l’égard de son épouse à 50 000 euros. Il a alors formé un pourvoi en cassation, reprochant à la Cour d’appel d’avoir violé les article 270 et 271 du Code civil en ne prenant pas en compte les charges qui lui étaient imputées par sa nouvelle union, notamment celles relatives à l’entretien des enfants.

Dans le second arrêt, il s’agissait d’un divorce entre deux personnes ayant trois enfants encore mineurs. La Cour d’appel de Chambéry a rendu un arrêt le 29 décembre 2020, dans lequel elle rejette la demande de l’époux de condamner son épouse à lui verser une prestation compensatoire. Il a donc formé un pourvoi en cassation, rappelant que lui-même a été condamné par la Cour d’appel à verser une contribution à l’entretien des enfants, ce dont elle aurait dû tenir compte pour constater une disparité existante entre les situations respectives des époux.

               L’existence de charges relatives à l’entretien des enfants doit-elle être prise en compte dans la fixation du montant de la prestation compensatoire ?

               La Cour de cassation a répondu par la positive dans le premier arrêt et par la négative dans le deuxième arrêt. Elle a alors cassé l’arrêt de la cour d’appel de Reims, seulement en ce qu’il a condamné l’époux à verser la somme de 50 000 euros à son épouse. Elle a rejeté le pourvoi du demandeur dans le deuxième arrêt. Elle a donc utilisé deux raisonnements opposés (I), inscrivant ces arrêts dans une jurisprudence déjà hésitante en la matière (II).

 

I-                 Des raisonnements opposés utilisés par la Cour de cassation

Dans le premier cas, une prestation compensatoire de 50 000 euros avait été fixée par le Tribunal de première instance au bénéfice de l’épouse. La Haute juridiction a justifié sa décision de casser l’arrêt d’appel en expliquant que les charges de l’époux concernant l’alimentation des enfants de sa deuxième union avaient pour conséquence de réduire les ressources de celui-ci, ce qui faisait donc également réduire la disparité existante entre les situations patrimoniales respectives des époux. La prestation compensatoire n’avait alors pas lieu d’être si élevée. Il est également précisé que les charges ont été prises en compte dans le calcul de la fixation du montant de la prestation et ce, même si les enfants dont l’époux avait la charge n’étaient pas liés à son épouse dont il doit verser la compensation. La Cour de cassation rappelle donc par cet arrêt la nécessité d’une réelle disparité entre les situations des époux. A ce propos, la jurisprudence exigeait auparavant que la disparité ne soit créée que par le fait du divorce en lui-même. Mais la jurisprudence a ensuite supprimé cette condition et ouvert la possibilité d’accorder une prestation compensatoire également dans le cas où la disparité ne proviendrait pas directement du divorce (Cass. Civ. 1e, 18 mai 2011, n° 10.17-445).

Les faits du deuxième arrêt sont assez similaires mais la décision rendue par la Cour de cassation est différente. En effet, elle a refusé le versement d’une prestation compensatoire à l’égard de l’époux, considérant que la Cour d’appel avait correctement étudié les situations patrimoniales respectives des époux et justement estimé qu’aucune disparité n’existait en l’espèce. Cette décision est justifiée par le fait qu’en l’absence de demande expresse de l’époux de tenir compte des charges qui lui incombent concernant l’entretien et l’éducation de ses enfants, la Cour d’appel n’était pas tenue de les inclure dans l’étude du fond de l’affaire. Cette décision confirme donc l’arrêt rendu le 17 octobre 2019 (Cass. Civ. 1e, 17 octobre 2019, n°18-22.554), dans lequel la Cour de cassation avait déjà rejeté un pourvoi demandant la prise en compte de telles charges, pour les mêmes motifs.

Outre le lien maternel des enfants dans chaque affaire, la différence majeure que l’on peut noter entre ces deux arrêts est la demande expresse du père de tenir comptes des charges concernant notamment l’entretien et l’alimentation des enfants. Alors que la demande a été formulée dans le premier arrêt, elle ne l’a pas été dans le deuxième. Ainsi, la Cour de cassation rappelle que les juges du fond ne sont pas tenus de prendre en compte des charges si celles-ci ne sont pas mentionnées particulièrement par le demandeur dans son pourvoi.

Ces deux arrêts s’inscrivent dans une jurisprudence déjà hésitante en la matière, comme le montrent plusieurs arrêts contradictoires précédemment rendus.

 

II-               Une jurisprudence déjà hésitante en la matière

L’article 271 du Code civil établit une liste indicative des critères à prendre en compte lors de l’établissement du montant de la prestation compensatoire : la durée du mariage, l'âge et l'état de santé des époux, leur qualification et leur situation professionnelles, les conséquences des choix professionnels faits par l'un des époux pendant la vie commune pour l'éducation des enfants, le patrimoine estimé ou prévisible des époux après la liquidation du régime matrimonial, leurs droits existants et prévisibles, leur situation respective en matière de pensions de retraite.

A la lumière de cet article, la Cour de cassation a affirmé dans un arrêt du 3 décembre 1997 (Cass. Civ. 2e, 3 décembre 1997, n°94-16.970) que la contribution à l’entretien et l’éducation des enfants étaient laissée à la charge personnelle du débiteur ; leur prise en compte dans la fixation du montant de la prestation compensatoire n’était donc pas nécessaire. Par ailleurs, le 10 mai 2001, la même Chambre a opéré un revirement de jurisprudence en estimant que ces sommes devaient être déduites des ressources du débiteur afin d’apprécier la disparité existante être les situations des époux (Cass. Civ. 2e, 10 mai 2001, n°99-17.255). Enfin, la 1e Chambre civile a jugé récemment que « pour déterminer les besoins et ressources des époux, le juge doit prendre considération les charges qu'ils assument et […] la circonstance qu'un engagement financier ait été contracté à titre personnel n'est pas, à elle seule, un motif d'exclusion » de prise en compte (Cass. Civ 1e, avis, 29 mai 2019, n°18-15.184).

Ainsi, la question de la prise en compte des charges relatives à l’éducation et l’entretien des enfants dans le calcul de la prestation compensatoire a donné lieu à de nombreuses décisions différentes. Il semblerait que les juges se fondent sur le critère de l’indépendance des enfants à un des deux parents pour statuer en faveur ou en défaveur de l’inclusion de ces charges dans l’appréciation de la disparité.

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