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Contrat de mariage écarté par juridiction étrangère , ordre public international

Le 25 mars 2021
Contrat de mariage écarté par juridiction étrangère , ordre public international
la Cour de cassation a jugé qu'une juridiction étrangère, en l'occurrence américaine, qui écarte un contrat de mariage français de séparation de biens, n'est pas contraire à l'ordre public international français

Une décision rendue par une juridiction étrangère qui, par application de sa loi nationale, refuse de donner effet à un contrat de mariage reçu en France, n’est pas en soi contraire à l’ordre public international français de fond et ne peut être écartée que si elle consacre de manière concrète, au cas d’espèce, une situation incompatible avec les principes du droit français considérés comme essentiels.

 

Si le principe d’égalité des parents dans l’exercice de l’autorité parentale relève de l’ordre public international français, la circonstance qu’une décision étrangère réserve à l’un des parents le soin de prendre seul certaines décisions relatives aux enfants, ne peut constituer un motif de non-reconnaissance qu’autant qu’elle heurte de manière concrète les principes essentiels du droit français

 

 

Monsieur E… Z…, de nationalité française, et Mme I… de nationalité américaine se sont mariés à Paris le 28 mai 1991 sous le régime de la séparation de biens. Les époux se sont installés aux États-Unis, ou sont nés leurs deux enfants.

 

Madame I… a, le 8 novembre 2001, saisi la Cour Suprême de l’Etat de New York d’une requête en divorce.

 

Par Decision and Order du 28 juin 2002 le juge a écarté l’application du contrat de mariage français.

 

Deux décisions du 3 octobre 2003 et du 9 janvier 2004 viennent prononcer le divorce aux torts du mari et fixer la résidence des enfants chez la mère avec des droits de visites et d’hébergement pour le père. Il est précisé que la mère devra consulter le père sur toutes les décisions significatives concernant les enfants mais qu’elle aurait le pouvoir de décision finale.

 

Il a également été fixé les modalités de contribution du père à l’entretien et l’éducation des enfants, alloué à l’épouse une pension alimentaire mensuelle pendant 7 ans et statué sur la liquidation des intérêts patrimoniaux des époux.

 

Le jugement a été réformé par une décision de la cour d’appel de l’Etat de New York du 3 mai 2005, qui a notamment dit que l’intégralité du solde du produit de la vente de l’appartement new-yorkais devait revenir à M. E… Z….

 

Madame I… a saisi le tribunal de grande instance de Paris le 9 février 2005 d’une demande d’exéquatur des décisions américaines des 3 octobres 2003 et 9 janvier 2004 en leurs seules dispositions relatives aux pensions alimentaires. A titre reconventionnel, Monsieur E…Z… a demandé que soit déclaré inopposable en France le jugement du 28 juin 2002.

 

La Cour d’appel de Paris dans son arrêt du 3 avril 2018 a déclaré opposable la décision du 28 juin 2002 et en conséquence celles du 3 octobre 2003 et 9 janvier 2004. 

 

La Cour de cassation rappelle dans un premier temps l’article 509 du code de procédure civile, lequel prévoit que pour accorder l’exequatur, hors toute convention internationale, le juge français doit vérifier la régularité internationale de la décision étrangère en s’assurant que celle-ci remplit les conditions de compétence indirecte du juge étranger fondée sur le rattachement du litige au for saisi, de conformité à l’ordre public international de fond et de procédure et d’absence de fraude.

 

Monsieur E…Z… fait valoir que le jugement étranger qui écarte un acte authentique français, en l’espèce le contrat de mariage français des époux, est nécessairement contraire à l’ordre public international français.

 

En l’espèce les époux se sont installé aux Etats Unis très rapidement, ont eu des enfants aux Etats-Unis et ont travaillé aux Etats-Unis. Le litige se rattache pour l’essentiel aux Etats-Unis.

 

Le juge américain qui a procédé à la liquidation des intérêts patrimoniaux des époux selon le principe de la distribution équitable conformément au régime matrimonial en vigueur de l’Etat de New York a tenu compte des revenus et charges des parties, des conséquences des choix communs faits pendant le mariage, ainsi que les éléments constants du train de vie des époux.

 

Le caractère disproportionné de l’effet des décisions rendues par rapport à la réalité de la situation financière et patrimoniale n’étant pas démontrée le moyen de Monsieur E… Z… n’est pas fondé.

 

La Cour de cassation rappelle fermement l’appréciation in concreto de l’ordre public international et décide qu’une décision rendue par une juridiction étrangère qui, par application de sa loi nationale, refuse de donner effet à un contrat de mariage reçu en France, n’est pas en soi contraire à l’ordre public international français de fond et ne peut être écartée que si elle consacre de manière concrète, au cas d’espèce, une situation incompatible avec les principes du droit français considérés comme essentiels.

 

Cette décision ne va pas dans le sens d’une sécurité juridique pour les époux ayant établi un contrat de mariage en France car la prévisibilité de son effet à l’étranger est soumise à une appréciation concrète de chaque situation.

A notre connaissance, c'est la première fois que la Cour d'appel admet explicitement que la décision d'une juridiction étrangère qui écarte un contrat de séparation de biens français, n'est pas contraire à l'ordre public international français. 

 

Cette insécurité juridique se poursuit jusqu’en France, pays dans lequel le contrat a été établi car les juridictions françaises font primer les décisions étrangères dès lors qu’elles répondent aux critères évoqués.

 

Cour de cassation, 1ère civile, 2 décembre 2020, 18-20.691

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