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Enlèvement international d'enfant: appréciation de l'intérêt de l'enfant

Le 22 octobre 2022
Enlèvement international d'enfant: appréciation de l'intérêt de l'enfant
Un parent commet un enlèvement international d'enfants, la Cour de cassation ordonne le retour immédiat des enfants illicitement déplacés du Maroc où ils vivent, en France, à défaut de rapporter la preuve d'un danger

Cass. Civ. 1e, 6 juillet 2022, pourvoi n°21-11.435

               Les enfants issus d’un couple séparé peuvent parfois faire l’objet d’un litige quant au pays dans lequel ils vivront. Il s’agit alors de considérer les deux situations et d’adopter celle qui privilégiera le mieux son intérêt supérieur.

               Par un arrêt rendu le 6 juillet 2022, la 1e Chambre civile de la Cour de cassation a été amenée à se prononcer sur un enlèvement international d’enfants.

               En l’espèce, une Marocaine et un Français se sont mariés en 2015 au Maroc et ont eu deux filles. Le 28 février 2021, le père est rentré en France avec ses enfants et le divorce a été prononcé le 9 mars 2021 à la demande de la mère. Le 19 août 2021, le procureur de la République a saisi le Juge aux affaires familiales pour voir ordonner le retour des enfants auprès de leur mère.

               La Cour d’appel de Bourges a accueilli sa demande et ordonné le retour des enfants au Maroc. Elle y a ajouté une interdiction de sortie du territoire français sans l’accord des deux parents, excepté pour se rendre au Maroc. Le père des enfants a alors formé un pourvoi en cassation, reprochant à la Cour d’appel de ne pas avoir pris en compte le procès-verbal de synthèse établi par la gendarmerie, qui dénonce notamment des sévices sexuels subis par les enfants, les mettant alors dans une situation psychique telle que le retour ne serait que difficile. En jugeant comme elle l’a fait, la Cour d’appel aurait violé l’article 455 du Code de procédure civile et privé sa décision de base légale au regard des articles 12 et 13b de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980.

               Des allégations concernant un enlèvement illicite d’enfants constituent-elles un élément susceptible d’annuler un ordre de retour de ceux-ci, si elles ne proviennent que du parent responsable de l’enlèvement ?

               La Cour de cassation répond par la négative et rejette le pourvoi du demandeur. Elle affirme que le père des enfants n’a pas rapporté des éléments de preuve suffisants pour démontrer que les enfants courraient un danger en rentrant au Maroc avec leur mère.

L’exigence d’éléments de preuves suffisants et objectifs démontrant l’existence d’un danger apporté par le retour

L’article 3 de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants dispose que « le déplacement ou le non-retour d’un enfant est considéré comme illicite lorsqu'il a lieu en violation d'un droit de garde, attribué à une personne, une institution ou tout autre organisme, seul ou conjointement par le droit de l'Etat dans lequel l'enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non-retour, et que le droit était exercé de façon effective seul ou conjointement, au moment du déplacement ou du non-retour, ou l'eût été si de tels événements n'étaient survenus ». Le juge saisi peut alors se trouver dans l’obligation d’ordonner le retour dans son pays d’origine. Cependant, quatre exceptions existent et constituent les situations dans lesquelles le juge n’est pas tenu d’ordonner le retour de l’enfant. Elles sont listées à l’article 13 de la convention de la Haye. Parmi elles, on compte celle où « la personne qui s’oppose au retour établit qu’il existe un risque grave que le retour de l’enfant ne l’expose à un danger physique ou psychique ». C’est cet argument qu’a utilisé le père des enfants dans les moyens de son pourvoi afin d’annuler la décision du juge.

Le juge doit alors étudier si des mesures adéquates ont été prises afin d’assurer le retour des enfants dans leur Etat d’origine. Si tel est le cas, il aura l’obligation de maintenir le retour des enfants, d’après l’article 11 du Règlement Bruxelles II bis (Règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003). Ainsi, la Cour de cassation s’était trouvée face à une situation similaire en 2013 et a été amenée à s’assurer que des mesures adéquates étaient réellement prises, avant d’ordonner le retour des enfants dans son pays d’origine (Cass Civ. 1e, 20 mars 2013, n°12-19.382), malgré le pourvoi formé par le demandeur, qui craignait que cela constitue un danger physique pour les enfants. La protection de l’intérêt supérieur de celui-ci constitue donc très souvent la première motivation des juges.

La constante protection de l’intérêt supérieur de l’enfant

Lorsque les juges se trouvent face à un cas comme celui de cet arrêt, leur motivation majeure consiste en la protection de l’intérêt supérieur de l’enfant. Cela permet de garantir d’une part la continuité d’une relation personnelle de celui-ci avec chacun de ses deux parents, d’autre part de le protéger d’un comportement d’un parent malveillant. Cet intérêt supérieur est protégé notamment par l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, qui garantit le droit à une vie privée et familiale.

Le 30 septembre 2021, la Cour de cassation a considéré que le retour des enfants au domicile de leur père ne constituait pas un danger, étant donné que les suspicions d’abus sexuels n’avaient jamais été formulées avant leur départ et que c’était dans leur intérêt supérieur d’ordonner leur retour dans leur pays d’origine (Cass. Civ. 1e, 21.16-050).

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