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Intérêt supérieur de l'enfant et droit au respect de la vie privée et familiale

Le 22 avril 2021
Intérêt supérieur de l'enfant et droit au respect de la vie privée et familiale
La Cour européenne des droits de l'homme, a sanctionné l'Italie pour méconnaissance du droit au respect de la vie familiale d'un enfant (article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme) en privant cet enfant des liens avec sa grand-mère

Les liens entre un enfant et sa grand-mère qui l’a élevé dès sa naissance ne peuvent être rompu totalement sans violer le droit au respect de la vie privée et familiale. Les droits de visites, le cas échéant médiatisés, doivent être mis en place afin de maintenir ce lien dès lors qu’il est de l’intérêt de l’enfant de le faire.

Madame Terna, ressortissante italienne, se marie en 2001 avec Monsieur S.T. Les époux ont été condamnés pénalement à plusieurs reprises entre 2008 et 2014. La fille de Monsieur S.T. accouche d’une enfant en novembre 2010 qu’elle confia à Madame Terna qui est alors la grand-mère de l’enfant.

En mars 2016 le tribunal confia la garde de l’enfant à la commune de Milan et confirma son placement chez Madame Terna, déclara les parents déchus de leur autorité parentale et renvoya le dossier au juge des tutelles.

Le 5 avril 2016 une tutrice a été nommée et une enquête fut menée dans laquelle il a été observé que l’enfant présentait des retards de langage et un trouble de l’attachement. Il a été conclu dans le rapport que Madame Terna était dénuée de capacités parentales et qu’elle se trouvait dans une situation financière délicate.

L’expert estimait que le placement de l’enfant dans une famille d’accueil avec un maintien de contacts avec Mme Terna était une solution envisageable. Toutefois, il était exprimé des doutes de la part de la tutrice sur un tel maintien de contacts en raison de l’éventualité d’un enlèvement de la mineure par sa famille. La tutrice préconisait alors une rupture du lien entre l’enfant et Madame Terna.

En octobre 2016, le tribunal ordonne le placement de la mineure dans un institut dans lequel elle sera placée dès novembre 2016 et la gestion des contacts entre Mme Terna et l’enfant a été remise aux services sociaux.

La tutrice saisit le juge des tutelles d’une demande tendant à la suspension des rencontres ordonnées par le tribunal craignant un enlèvement de l’enfant. Le juge des tutelles en novembre 2016 a alors invité les services sociaux à suspendre les rencontres et demandé d’organiser des visites médiatisées afin de garantir la sécurité de l’enfant. Le lieu de placement de l’enfant a toujours été gardé secret. Ces rencontres n’avaient jamais lieu et ont été suspendues en attente d’une nouvelle expertise.

En mai 2017, un psychologue fait état du mal-être de l’enfant à raison de l’interruption des contacts avec Madame Terna.

En juin 2017, un expert estime que Mme Terna était dénuée de capacités parentales et que la mineure était déjà bien insérée dans sa nouvelle famille.

En avril 2018, le tribunal déclara l’enfant adoptable car en situation d’abandon moral et matériel et seule Madame Terna s’était opposée à la déclaration d’adoptabilité. Le tribunal considéra que Madame Terna ne pouvait pas exercer des fonctions parentales permettant un développement sain et équilibré de l’enfant notamment car elle avait évolué dans un environnement criminel.

Mme Terna fait appel de cette décision.

En novembre 2018 la Cour d’appel ordonna une nouvelle expertise afin d’évaluer le lien entre l’enfant et Madame Terna. Cet expert conclu à l’absence de raison justifiant un éloignement de l’enfant de Madame Terna qui remplissait son rôle de manière adéquate.

Une requête a été introduite devant la Cour européenne des droits de l’Homme le 7 mai 2018.

Madame Terna invoquant l’article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) se plaignait de la non exécution de son droit de visite reconnu par le juge en 2016.

La Cour européenne des droits de l’homme a rendu sa décision le 14 janvier 2021.

Dans un premier temps la Cour considère que même s’il n’y a pas eu de procédure officielle de prise en charge de l’enfant par Madame Terna celle-ci s’est toujours occupée de sa petite-fille depuis sa naissance et un lien interpersonnel étroit existait bien car Madame Terna s’est toujours comportée comme sa mère. Elle décide alors que ces relations doivent être protégées par l’article 8 de la Convention.

La Cour souligne les efforts et les nombreuses demandes de Madame TERNA visant à maintenir le lien et à exercer le droit de visite prévu par le tribunal en 2016.

Elle considère que malgré la complexité de l’affaire et du risque d’enlèvement soulevé par la tutrice la Cour estime que les autorités n’ont pas fait preuve de la diligence qui s’imposait à elles. Les services sociaux auraient dû prendre les mesures appropriées pour créer les conditions nécessaires à la pleine réalisation du droit de visite de Madame Terna. Les juridictions elles, n’ont pas pris rapidement des mesures concrètes et utiles visant à l’instauration de contacts effectifs entre l’enfant et Madame Terna en tolérant l’absence de lien.

La Cour conclu que les autorités ont laissé se consolider pendant un certain temps une situation de fait au mépris d’une décision de justice sans prendre en compte l’intérêt de l’enfant et les effets de cette situation sur le long terme pour l’enfant.

La Cour considère que les autorités italiennes n’ont pas déployé les efforts suffisants pour faire respecter le droit de visite de Madame Terna en sa qualité de grand-mère ayant élevé l’enfant et ont méconnu son droit au respect de sa vie familiale.

Le lien existant entre l’enfant et sa grand-mère, malgré la situation financière fragile et un environnement familial criminel, doit être protégé par l’article 8 de la Convention. Il est de l’intérêt de l’enfant de maintenir ce lien même si le droit de visite doit être exercé dans un lieu médiatisé.

 

 

Terna c. Italie CEDH 21052/18

Les liens entre un enfant et sa grand-mère qui l’a élevé dès sa naissance ne peuvent être rompu totalement sans violer le droit au respect de la vie privée et familiale. Les droits de visites, le cas échéant médiatisés, doivent être mis en place afin de maintenir ce lien dès lors qu’il est de l’intérêt de l’enfant de le faire.

Madame Terna, ressortissante italienne, se marie en 2001 avec Monsieur S.T. Les époux ont été condamnés pénalement à plusieurs reprises entre 2008 et 2014. La fille de Monsieur S.T. accouche d’une enfant en novembre 2010 qu’elle confia à Madame Terna qui est alors la grand-mère de l’enfant.

En mars 2016 le tribunal confia la garde de l’enfant à la commune de Milan et confirma son placement chez Madame Terna, déclara les parents déchus de leur autorité parentale et renvoya le dossier au juge des tutelles.

Le 5 avril 2016 une tutrice a été nommée et une enquête fut menée dans laquelle il a été observé que l’enfant présentait des retards de langage et un trouble de l’attachement. Il a été conclu dans le rapport que Madame Terna était dénuée de capacités parentales et qu’elle se trouvait dans une situation financière délicate.

L’expert estimait que le placement de l’enfant dans une famille d’accueil avec un maintien de contacts avec Mme Terna était une solution envisageable. Toutefois, il était exprimé des doutes de la part de la tutrice sur un tel maintien de contacts en raison de l’éventualité d’un enlèvement de la mineure par sa famille. La tutrice préconisait alors une rupture du lien entre l’enfant et Madame Terna.

En octobre 2016, le tribunal ordonne le placement de la mineure dans un institut dans lequel elle sera placée dès novembre 2016 et la gestion des contacts entre Mme Terna et l’enfant a été remise aux services sociaux.

La tutrice saisit le juge des tutelles d’une demande tendant à la suspension des rencontres ordonnées par le tribunal craignant un enlèvement de l’enfant. Le juge des tutelles en novembre 2016 a alors invité les services sociaux à suspendre les rencontres et demandé d’organiser des visites médiatisées afin de garantir la sécurité de l’enfant. Le lieu de placement de l’enfant a toujours été gardé secret. Ces rencontres n’avaient jamais lieu et ont été suspendues en attente d’une nouvelle expertise.

En mai 2017, un psychologue fait état du mal-être de l’enfant à raison de l’interruption des contacts avec Madame Terna.

En juin 2017, un expert estime que Mme Terna était dénuée de capacités parentales et que la mineure était déjà bien insérée dans sa nouvelle famille.

En avril 2018, le tribunal déclara l’enfant adoptable car en situation d’abandon moral et matériel et seule Madame Terna s’était opposée à la déclaration d’adoptabilité. Le tribunal considéra que Madame Terna ne pouvait pas exercer des fonctions parentales permettant un développement sain et équilibré de l’enfant notamment car elle avait évolué dans un environnement criminel.

Mme Terna fait appel de cette décision.

En novembre 2018 la Cour d’appel ordonna une nouvelle expertise afin d’évaluer le lien entre l’enfant et Madame Terna. Cet expert conclu à l’absence de raison justifiant un éloignement de l’enfant de Madame Terna qui remplissait son rôle de manière adéquate.

Une requête a été introduite devant la Cour européenne des droits de l’Homme le 7 mai 2018.

Madame Terna invoquant l’article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) se plaignait de la non exécution de son droit de visite reconnu par le juge en 2016.

La Cour européenne des droits de l’homme a rendu sa décision le 14 janvier 2021.

Dans un premier temps la Cour considère que même s’il n’y a pas eu de procédure officielle de prise en charge de l’enfant par Madame Terna celle-ci s’est toujours occupée de sa petite-fille depuis sa naissance et un lien interpersonnel étroit existait bien car Madame Terna s’est toujours comportée comme sa mère. Elle décide alors que ces relations doivent être protégées par l’article 8 de la Convention.

La Cour souligne les efforts et les nombreuses demandes de Madame TERNA visant à maintenir le lien et à exercer le droit de visite prévu par le tribunal en 2016.

Elle considère que malgré la complexité de l’affaire et du risque d’enlèvement soulevé par la tutrice la Cour estime que les autorités n’ont pas fait preuve de la diligence qui s’imposait à elles. Les services sociaux auraient dû prendre les mesures appropriées pour créer les conditions nécessaires à la pleine réalisation du droit de visite de Madame Terna. Les juridictions elles, n’ont pas pris rapidement des mesures concrètes et utiles visant à l’instauration de contacts effectifs entre l’enfant et Madame Terna en tolérant l’absence de lien.

La Cour conclu que les autorités ont laissé se consolider pendant un certain temps une situation de fait au mépris d’une décision de justice sans prendre en compte l’intérêt de l’enfant et les effets de cette situation sur le long terme pour l’enfant.

La Cour considère que les autorités italiennes n’ont pas déployé les efforts suffisants pour faire respecter le droit de visite de Madame Terna en sa qualité de grand-mère ayant élevé l’enfant et ont méconnu son droit au respect de sa vie familiale.

Le lien existant entre l’enfant et sa grand-mère, malgré la situation financière fragile et un environnement familial criminel, doit être protégé par l’article 8 de la Convention. Il est de l’intérêt de l’enfant de maintenir ce lien même si le droit de visite doit être exercé dans un lieu médiatisé.

 Terna c. Italie CEDH 21052/18

 

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