Conditions de l'exéquatur en France d'un jugement d'adoption étranger
Cass. civ. 1ère, 11 décembre 2024, pourvoi n° 23-15.672
M. X a demandé l'exequatur en France d'un jugement d'adoption rendu par un tribunal de l'Utah le 22 janvier 2018. Ce jugement lui reconnaissait une relation juridique avec un enfant né le 8 juillet 2017, équivalente à celle d'un parent biologique.
La Cour d'appel de Paris, par un arrêt du 18 avril 2023, a refusé l'exequatur au motif que le jugement étranger n'était pas motivé et qu'aucun document équivalent à une motivation ne permettait d'apprécier les circonstances de l'adoption, notamment le consentement des représentants légaux de l'enfant.
M. X a formé un pourvoi en cassation, invoquant principalement que la motivation des jugements d’adoption n’est pas une exigence d’ordre public international et que l’absence de mention expresse du consentement des représentants légaux dans le jugement étranger ne contredisait pas l’ordre public international.
La question posée à la Cour de cassation est celle de savoir si la reconnaissance en France d’un jugement étranger d’adoption non motivé est contraire à l’ordre public international lorsque des documents équivalents à une motivation ne sont pas produits ?
La Cour de cassation rejette le pourvoi et confirme l’arrêt de la Cour d’appel de Paris. Elle rappelle que la reconnaissance d’un jugement étranger non motivé est contraire à la conception française de l’ordre public international si des documents de nature à servir d’équivalent à cette motivation ne sont pas produits. Elle souligne qu’il incombe au demandeur de fournir ces documents.
1. Le contrôle de l’ordre public international
La Cour de cassation rappelle que, pour accorder l’exequatur d’un jugement étranger, le juge français doit, en l’absence de toute convention internationale, s’assurer que trois conditions sont réunies :
- Compétence indirecte du juge étranger ;
- Conformité à l’ordre public international de fond et de procédure ;
- Absence de fraude.
Dans cette affaire, le contrôle portait sur la conformité à l’ordre public international. La Cour insiste sur le fait que la reconnaissance d’une décision d’adoption nécessite de garantir que les circonstances de l’adoption respectent les principes fondamentaux français, notamment le consentement des parents ou représentants légaux de l’enfant.
2. Exigence d’une motivation ou de documents équivalents
La Cour établit que l’absence de motivation d’un jugement étranger n’est pas, en soi, contraire à l’ordre public international. Toutefois, il revient au demandeur de fournir des éléments permettant au juge français de s’assurer du respect des droits fondamentaux, en particulier le consentement des parents biologiques ou des représentants légaux de l’enfant.
En l’espèce :
Le jugement américain ne précisait ni l’identité des parents ou représentants légaux ni les conditions dans lesquelles l’enfant avait été recueilli ;
Les documents produits par M. X (des attestations postérieures au jugement) étaient considérés comme inopérants car destinés uniquement au juge français et non établis dans le cadre de la procédure initiale.
3. Conséquences pour l’exequatur
L’absence de motivation et de documents équivalents a empêché la Cour d’appel de Paris d’exercer un contrôle effectif sur le respect de l’ordre public international. La Cour de cassation valide cette analyse et considère que le refus d’exequatur est justifié.
Portée de l’arrêt
Cet arrêt réaffirme la conception française exigeante de l’ordre public international en matière d’adoption. Il souligne que la reconnaissance d’une adoption étrangère ne peut être accordée sans une démonstration suffisante du respect des principes fondamentaux français, notamment en ce qui concerne le consentement des parents ou des représentants légaux de l’enfant.
Critique
L’arrêt met en lumière un équilibre entre la volonté de respecter les décisions étrangères et la protection des principes fondamentaux français. Bien que cette rigidité puisse être observée comme un obstacle à la reconnaissance internationale des adoptions, elle garantit que les droits de l’enfant et des parties concernées soient protégés.
L’exequatur d’un jugement étranger d’adoption ne peut être accordé sans motivation ou documents permettant de garantir la conformité aux principes fondamentaux français.
Pour ces questions relatives à l'exequatur d'un jugement d'adoption, vous pouvez consulter Me Laurence Mayer, avocat à Paris.
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