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Divorce international: excès de pouvoir du juge aux affaires familiales

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Divorce international: excès de pouvoir du juge aux affaires familiales
Lorsque ordonnance provisoire en matière de divorce international: incompétence du juge pour déterminer la loi applicable au divorce

Arrêt de la 1ère chambre civile de la Cour de cassation du 23 mai 2024

Pourvoi n°22.17.049

 

Dans son arrêt du 23 mai 2024, la Première Chambre civile de la Cour de cassation (pourvoi n° 22-17.049) s'est prononcée sur les pouvoirs du juge aux affaires familiales lors de l'ordonnance de non-conciliation dans le cadre d'une procédure de divorce international.

L'affaire opposait des époux de nationalité française, mariés en 1995 et ayant eu trois enfants. Après avoir vécu en Suisse entre 2017 et 2019, le couple s'est séparé.

Le 10 décembre 2020, le JAF du tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains a rendu une ordonnance de non-conciliation dans laquelle il a :

-          Retenu sa compétence territoriale ;

-          Déclaré la loi suisse applicable au divorce ;

-          Déclaré la loi française applicable aux obligations alimentaires et à la responsabilité parentale ;

-          Autorisé les époux à assigner en divorce ;

-          Fixé diverses mesures provisoires en application de la loi française.

 

L’épouse a interjeté appel de cette ordonnance, contestant la décision d'appliquer la loi suisse au divorce et les dépens. La Cour d'appel de Chambéry a confirmé l'ordonnance de première instance sur ces points. L’épouse s'est alors pourvue en cassation.

La défense avait soulevé l'irrecevabilité du pourvoi, arguant qu'il était formé contre un arrêt rendu sur appel d'une ordonnance de non-conciliation qui se serait bornée à statuer sur des mesures provisoires sans mettre fin à l'instance.

La Cour de cassation a jugé le pourvoi recevable. Elle a relevé qu'en déclarant la loi suisse applicable au divorce, la Cour d'appel avait tranché, dans son dispositif, une partie du principal de l'affaire, rendant ainsi le pourvoi immédiat recevable.

La Cour de cassation a rappelé les articles 252 et suivants du Code civil (dans leur rédaction antérieure à la loi du 23 mars 2019) et les articles 1110 et 1111 du Code de procédure civile (dans leur rédaction antérieure au décret du 17 décembre 2019). Sur la base de ces textes, elle a affirmé que le Juge aux affaires familiales, n'a pas le pouvoir de statuer, dans l'ordonnance de non-conciliation, sur la loi applicable au divorce si cela n'est pas requis pour trancher une contestation relevant de ses attributions.

En l'espèce, la Cour d'appel avait confirmé l'application de la loi suisse au divorce en se basant sur le Règlement européen dit « Rome III », constatant que les époux n'avaient pas choisi de loi et que leur dernière résidence habituelle était en Suisse.

Cependant, la Cour de cassation a estimé qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel avait excédé ses pouvoirs. Elle a souligné que la détermination de la loi applicable au divorce n'était pas nécessaire pour vérifier la compétence du Juge aux affaires familiales et fixer les mesures provisoires (qui, en l'occurrence, avaient été prononcées en application de la loi française et ne faisaient l'objet d'aucun recours devant la Cour d'appel).

Conformément aux articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile, la Cour de cassation a décidé de statuer au fond, en l'absence de nécessité de renvoi.

Elle a jugé que le Juge aux affaires familiales, statuant dans la phase de conciliation est dépourvu du pouvoir juridictionnel de statuer sur la loi applicable au divorce. En conséquence, la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt de la cour d'appel de Chambéry, annulé partiellement l'ordonnance de non-conciliation du 10 décembre 2020 en ce qu'elle déclarait la loi suisse applicable au divorce et déclaré irrecevables les demandes des époux visant à faire désigner la loi applicable au divorce.

Cet arrêt est important car il clarifie l'étendue des pouvoirs du juge aux affaires familiales au stade de l'ordonnance de non-conciliation en matière de divorce international. La Cour de cassation rappelle avec force que le Juge aux affaires familial (JAF) ne peut pas trancher sur le fond du droit applicable au divorce si cette question n'est pas directement nécessaire à la mise en place des mesures provisoires ou à la vérification de sa compétence.

La détermination de la loi applicable au divorce relève de la phase ultérieure de l'instance au fond et non de la phase de conciliation dont l'objet principal est d'organiser provisoirement la séparation des époux.

Cette décision vise à éviter que des questions de fond complexes soient tranchées prématurément dans une phase de la procédure qui est par nature temporaire et ne vise pas à statuer définitivement sur le divorce lui-même.

 

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