Enfant né à l'étranger de mère porteuse et état civil français
L’intérêt supérieur de l’enfant et la régularité de l’acte justifient la transcription sur les registres de l’état civil français de l’acte de naissance d’un enfant né à l’étranger par gestation pour autrui.
La transcription d’un acte de l’état civil étranger est possible dès lors que celui-ci est régulier, exempt de fraude et a été établi conformément au droit de cet Etat.
En l’espèce M. A… et M. N… tous deux de nationalité française, ont eu recours à une convention de gestation pour autrui. L’enfant J… A…-N… est né à Kamloops au Canada.
Le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nantes s’est opposé à la transcription de l’acte de naissance sur les registres de l’état civil consulaire. Les parents l’ont alors assigné à cette fin.
La cour d’appel de Rennes, le 13 mai 2019 rejette la demande de M. N… tendant à la transcription de l’acte de naissance de l’enfant s’agissant de sa désignation comme parent de l’enfant.
La Cour de cassation casse cet arrêt et se montre favorable à la transcription de l’acte dès lors que celui-ci est régulier et conforme à l’intérêt de l’enfant.
Dans son arrêt, la Cour de cassation rappelle l’article 3, §1, de la Convention de New York du 20 novembre 1989 selon lequel l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale.
Il est également énoncé les termes de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales en vertu duquel toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale.
Après un avis consultatif du 10 avril 2019 de la Cour européenne des droits de l’homme, l’assemblée plénière de la Cour de cassation, le 4 octobre 2019, n°10-19.053, a déduit de ce texte qu’au regard de l’intérêt supérieur de l’enfant, la circonstance que la naissance d’un enfant à l’étranger ait pour origine une convention de gestation pour autrui, prohibée par la loi française, ne peut, à elle seule, sans porter une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée de l’enfant, faire obstacle à la transcription de l’acte de naissance établi par les autorités de l’Etat étranger, en ce qui concerne le père biologique de l’enfant, ni à la reconnaissance du lien de filiation à l’égard de la mère d’intention mentionnée dans l’acte étranger, laquelle doit intervenir au plus tard lorsque ce lien entre l’enfant et la mère d’intention s’est concrétisé.
La Cour de cassation dans son arrêt du 18 novembre 2020 considère que le raisonnement n’a pas lieu d’être différent lorsque c’est un homme qui est désigné dans l’acte de naissance étranger comme parent d’intention.
La Cour de cassation rappelle également que l’article 47 du code civil prévoit que tout acte de l’état civil des Français et des étrangers fait à l’étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d’autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclaré ne correspondent pas à la réalité.
La Cour de cassation écarte elle-même sa jurisprudence selon laquelle elle refuse la transcription totale des actes de naissance étrangers des enfants en considération de l’absence de disproportion de l’atteinte portée au droit au respect de leur vie privée dès lors que la voie de l’adoption était ouverte à l’époux ou l’épouse du père biologique. Cette jurisprudence ne peut trouver application en l’espèce dès lors que l’introduction d’une procédure d’adoption s’avère impossible ou inadaptée à la situations des intéressés.
La Cour de cassation rappelle la nécessaire évolution de la jurisprudence concernant les transcriptions à l’état civil française et décide que la Cour d’appel a violé les textes susvisés car elle était saisie d’une demande de transcription d’un acte de l’état civil étranger régulier, exempt de fraude et qui avait été établi conformément au droit de l’Etat de Colombie Britannique au Canada.
La Cour de cassation casse donc l’arrêt de la cour d’appel de Rennes mais seulement en ce qu’il rejette la demande de M. N…. tendant à la transcription sur les registres de l’état civil de l’acte de naissance de l’enfant.
In fine, la Cour de cassation se montre expressément favorable à la transcription de l’acte d’état civil malgré la convention de gestation pour autrui qui n’est pas autorisée en France dès lors que celle-ci est régulière dans le pays où elle a eu lieu.
L’intérêt de l’enfant et le respect de sa vie privée ont donc eu raison de l’équilibre fragile qui existait avec l’interdit d’ordre public de la gestation pour autrui.
Cour de cassation, 1ère civile, 18 novembre 2020, N°19-50043
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